Historique

Deux allemands sont à l’origine de la société Triumph : Siegfried Bettmann et Mauritz Schulte, tous deux originaires de la région de Nuremberg.

→ A gauche, Mauritz Schulte en plein burn et à droite Siegfried Bettmann dans son costume de maire de Coventry en 1913

Ils se lancent en 1887, dans un atelier de Coventry (Angleterre), dans la fabrication de bicyclettes avant de passer aux motos.

Les blocs moteurs seront produits en grandes séries au début du siècle dernier, cela permettant en 1902 l’apparition de la première motocyclette Triumph. Dès 1905, Triumph construit ses propres moteurs et la production augmente en conséquence.

→ Triumph modèle 1902

La grande guerre va marquer le début du succès commercial de Triumph qui, jusqu’en 1918, fournit pas moins de 30000 motos aux forces armées britanniques.

→ Un soldat britanique sur sa Triumph en 1915

Comme Mauritz Schulte veut abandonner la production de bicyclettes pour construire des automobiles, il est remplacé par Claude Holbrook, mais curieusement, celui-ci pense aussi que l’avenir de l’automobile est plus prometteur que celui de la bicyclette…

→ Claude Holbrook

La voiture alors conçue ne sera pas produite, car le marché des motos reste très dynamique, surtout pendant ces premières années d’après guerre où l’inflation fait rage, avant la grande crise économique.

→ L’usine Triumph de Coventry, en 1924

C’est sans doute la participation de l’industriel Charles Sangster, qui a déjà racheté Ariel (un autre constructeur de motos), qui empêchera la marque de disparaître.

→ Charles Sangster

En 1936, Edward Turner, l’un des ingénieurs d’Ariel, est nommé par Sangster ingénieur en chef et directeur de Triumph.

→ Edward Turner

Pour la construction des motos Triumph, c’est le début d’une nouvelle ère hors du commun, avec la naissance de concepts qui resteront la référence durant des décennies.

→ Triumph Speed Twin modèle 1938

C’est le cas notamment de la Speed Twin, présentée en 1937. Son moteur à 4 temps et 2 cylindres en ligne constituera la base technique de nombreux modèles suivants. A ce moment-là, aucun autre constructeur anglais de motos ne propose de modèle à 2 cylindres, si bien que la production de Triumph peine à satisfaire la demande.

→ Triumph Tiger 100 modèle 1939

L’année suivante, c’est la Tiger 100 qui prend le relais, s’inspirant de la Speed Twin mais disposant de plus de puissance. Comme à l’accoutumée, le nom du modèle est constitué par le type de machine suivi d’un numéro correspondant à la vitesse maximale (en miles à l’heure).
Hélas la carrière de la Tiger 100 sera brutalement interrompue car il faut construire des motos pour les forces armées lors de la Seconde Guerre Mondiale. De plus, dans la nuit du 14 novembre 1940, l’usine Triumph de Coventry est rasée par les bombes allemandes.

→ L’usine Triumph de Coventry détruite par les bombardements allemands…

→ … remplacée par l’usine Triumph de Meriden

La production continue tant bien que mal à Warwick avant que ne commence, à l’été 1941, la construction à Meriden, dans la banlieue de Coventry, d’une nouvelle usine qui sera terminée en 1942.
Jusqu’à la fin de la guerre, Triumph fournit à l’armée britannique quelques 50000 motos.

A la fin de la guerre en 1945, Triumph présente sa nouvelle gamme, elle comprend la 3H monocylindre de 350 cm3 et les bicylindres Speed Twin, Tiger 100 et 3T.

→ Une TR3 3H de compétition, à la fin des années 1940

Cependant, vers la fin des années 40, BSA et Norton font leur apparition sur le marché des bicylindres. Edward Turner s’attache toutefois à faire en sorte que Triumph garde toujours une légère avance par rapport à la concurrence et favorise l’exportation vers les États-Unis, une activité florissante, surtout pendant les années 50 et 60.

Outre la Thunderbird 650, Triumph propose en 1949 la Trophy TR5 conçue pour les compétitions tout terrain.

→ Une magnifique Triumph Trophy TR5 de 1950

Ensuite, en 1953, c’est l’apparition de la fameuse Terrier avec ses (seulement !!!) 150 cm3, moto bien évidemment destinée à un public jeune.

En plus de ses nombreux succès en tout terrain, Triumph va s’approprier en 1956 le record mondial de vitesse en 1956.

→ Johnny Allen et son équipe sur le lac de Bonneville

Cela se déroula sur le lac Salé (asséché bien entendu !) de Bonneville (étrange coïncidence, on en reparlera plus tard…) dans l’Utah (USA), avec comme pilote Johnny Allen qui atteint 345,45 Km/h sur une Triumph bicylindre, équipée d’une protection aérodynamique (cf. photo) et d’un moteur Thunderbird 650 cm3 gonflé.

→ L’engin Triumph qui a permis de battre le record du monde

A l’automne 1957 sort la Triumph 3TA qui est la première bicylindre monobloc, elle est surnommée la Twenty-One et va lancer la mode des gardes boue avant très volumineux ainsi qu’une protection pour l’arrière de la moto, évolutions très appréciées outre-manche par les motards habitués au mauvais temps !

→ Une Triumph Twenty-One 3TA de 1957, avec ses garde-boues d’origine !

En revanche, ce nouveau design imaginé par Turner est un échec absolu, les concessionnaires Triumph américain passent alors beaucoup de temps à démonter ces protections arrières surnommées bathtubes (baignoires), pour les remplacer par des éléments pris sur des anciens modèles.

Outre le marché des motos, Edward Turner suit attentivement ce qui se passe du côté des scooters. Ainsi apparaît en novembre la Tigress, un scooter de 250 cm3 suivi en 1962 de la Tina, avec un monocylindre quatre temps de 100 cm3. 
Ces deux modèles ne rencontrent que peu de succès et sont supprimés du catalogue en 1964.

→ un modèle Triumph très rare : le scooter Tigress

En août 1958 est lancée la production en série de la T120 censée atteindre les 120 miles à l’heure, (soit environ 192 Km/h). En souvenir du record de Johnny Allen, la plus rapide des Triumph est baptisée « Bonneville », un surnom qui fera rêver des générations de motards, jusqu’à nos jours !

→ Une Triumph Bonneville T120 de 1958, une légende est née !

Avec la Bonneville, la gamme Triumph compte une machine conçue pour la vitesse pure et la marque s’appuiera sur ce modèle pendant toutes les années 60.
A partir de 1963, les moteurs de 650 cm3 sont également fabriqués, comme toute la gamme, sous le modèle monobloc.
Ainsi, Triumph peut se contenter de conserver toute sa gamme en l’améliorant, ce qui donnera naissance à de nombreuses variantes sous la pression des importateurs américains, tandis qu’en Europe seules deux versions existent, une à mono-carburateur et une à bi-carburateur pour laquelle la dénomination Bonneville est réservée.

La victoire de Triumph aux prestigieux 200 miles de Daytona en 1966 après celle de 1962, grâce à Buddy Elmore qui établit à l’occasion de record de la distance parcourue avec une moyenne supérieure à 150 Km/h, vaut en 1966 aux T100 de série de 500 cm3 le surnom de Daytona, motos qui passent à la puissance de 40 chevaux.

→ Une Triumph Daytona T100R de 1970

Pendant que les 500 et 600 cm3 se vendent comme des petits pains, mûrit à Meriden le projet d’un moteur trois cylindres.
Des premières ébauches voient le jour dès 1963, mais sont aussi vite oubliées. Edward Turner n’aurait jamais donné son accord, mais avec son départ à la retraite en 1964, la voie est libre pour le nouveau patron, Harry Sturgeon, et pour un nouveau projet; la Trident 750 qui devra naître grâce à l’ajout d’un cylindre au moteur de 500 cm3.

→ Une Triumph Trident T150V

Toutefois, le lancement de la Trident sera retardée à cause de la disparition de Harry Sturgeon en 1966. Ainsi, c’est BSA qui héritera du projet et qui lança la Rocket 3. La version Triumph ne sera lancée qu’en 1969… en même temps que la Honda CB750 avec 4 cylindres, 5 vitesses et… nettement plus de puissance.

→ Une BSA Rocket3

→ Une Honda CB750

A partir de là, malgré une bonne image, la marque Triumph commence à perdre de la vitesse. De plus, le groupe BSA auquel appartient Triumph va faire des choix de management qui se révéleront fatals.
Effectivement, en 1971 est mis en place un système modulaire dans lequel les cadres, fourches, freins, roues réservoirs et selles sont uniformisés entre les deux marques. Ce système rendra évidemment plus difficile l’attachement du motard à sa marque !

Suite à quelques défauts de compatibilité dans les pièces (notamment au niveau du cadre), les livraisons vont prendre du retard, surtout aux États-Unis qui constituent le marché majeur, donc vital, de Triumph. Quand les motos arrivent chez les concessionnaires, cela fait longtemps que les clients se sont rués sur les nouveaux modèles d’autres marques, notamment Honda.

Ainsi, tout doucement, des nuages noirs apparaissent dans le ciel anglais, BSA accumule des pertes qui se comptent en millions, bien que Triumph demeure bénéficiaire.
A l’été 1973, Dennis Poore intervient pour extraire Triumph du groupe et l’intégrer à Norton-Villiers-Triumph (NVT), nouvelle société. Dans son projet visant à transférer la production de motos de Meriden à l’usine BSA de Birmingham, il se heurte à la résistance des salariés de Triumph.
Ceux-ci luttent pour garder leur emploi, ils arrêtent la production le 1er octobre 1973 et défendent en même temps l’accès de l’usine aux directeurs.
Cette grève durera 18 mois et seul l’apport de fonds publics y mettra fin en… permettant aux ouvriers de racheter l’usine NVT pour continuer à fabriquer au moins les bicylindres Triumph, en régie autonome sous le nom de Meriden Coopérative.

En 1974, les tricylindres Triumph sont de nouveaux disponibles car produits dans l’ancienne usine BSA de Birmingham, mais la situation financière se détériore toujours, cela forçant Dennis Poore à jeter l’éponge en 1975, alors que la dernière Trident sort des chaînes de production.

Les premières bicylindres produites par la coopérative ouvrière de Meriden apparaissent en 1975 et sont paradoxalement distribuées par le réseau NVT.

En 1977, Triumph décide de développer son propre réseau de concessionnaires qui se limitera aux États-Unis. Seule la Bonneville est produite ainsi que quelques versions dérivées comme la Tiger 750. En dépit de la publicité (souvent coûteuse), les motos ont du mal à se vendre, ce qui entraîne une réduction des effectifs à moins de 150 personnes.

→ Une Triumph Bonnville T140V de 1979

Triumph va recevoir l’aide des pouvoirs publics qui, pour assurer la survie de la marque, la dispense de rembourser les 6 millions de Livres Sterling qu’elle doit au gouvernement. Libéré de ses dettes, Triumph choisit l’offensive et lance de nombreux modèles, et nouveaux accessoires inédits pour la marque comme les démarreurs électriques, les carénages, les valises…

Mais l’usine de Meriden étant beaucoup trop grande pour une si petite production, Triumph prévoit de transférer sa production dans des ateliers plus petits, à Coventry.
Pour cela, il faut vendre les installations de Meriden ainsi que les quelques hectares adjacent.

→ John Bloor lors de l’achat de Triumph

C’est seulement en avril 1983 qu’un acheteur se présente : un richissime anglais qui a fait fortune dans l’immobilier, John Bloor.
Celui-ci acquiert le terrain aux enchères, ainsi que les droits de marque et de construction de Triumph, moyennant une somme modeste ne permettant pas à la coopérative agricole de poursuivre ses activités. Le 26 août, elle est contrainte de déposer le bilan, et bientôt, les bulldozers viennent raser la célèbre usine.

Distributeur anglais de motos Triumph et de pièces détachées, L.F. Harris signe un accord avec Bloor. Celui-ci l’autorise, pour une durée de 5 ans, à assembler des Triumph Bonneville en puisant dans les stocks restants et en achetant des pièces manquantes à des fournisseurs.
A l’expiration du contrat, c’est la fin « définitive » de la production de la Bonneville, devenue entre-temps une machine rétro.

→ John Bloor, lors de la construction de l’usine Triumph d’Hinckley

Mais parallèlement, John Bloor a décidé de raviver la marque en utilisant les technologies les plus modernes, de manière à pouvoir affronter la concurrence japonaise.
Ainsi, une nouvelle usine est créée à Hinckley, dans le comté de Leicestershire en Angleterre.

→ La nouvelle usine Triumph d’Hinckley

En 1990, au salon IFMA de Cologne, la marque ressuscitée présente ses 6 nouveaux modèles 3 et 4 cylindres : les Daytona 750 & 1000, les Trophy 900 & 1200 ainsi que les Trident 750 & 900.

→ Un Triumph Daytona 1000 de 1990

Ces différents modèles qui utilisaient, une fois n’est pas coutume, un concept modulaire, furent bien accueillis et évoluèrent sensiblement dans leurs lignes et motorisations lors des années suivantes.

Mais ce n’est qu’en 1994, avec l’arrivée de la « Speed Triple » que la marque anglaise allait véritablement renaître de ses cendres, en ressuscitant le concept café-racer. Son look et ses performances lui assurèrent un succès immédiat au près de la presse et du grand public.

→ Une superbe Speed Triple T301 de 1994

A la fin des années 1990, Triumph lance son nouveau moteur injection, au sein d’une moto réjouissante par ses courbes et ses performances, la Daytona T595.

→ La fameuse Daytona T595 de 1997

Ensuite, le moteur à injection a été adopté pour mettre en place les nouvelles versions de la Tiger et de la Speed Triple, avec la révélation en 1998 d’un nouvel engin de sports et de tourisme – la Sprint ST.
Parallèlement la production de Triumph grandit et une 2e usine est créée à Hinckley.

Le début du XIXème siècle verra la naissance de deux motos à fort caractère… D’abord une sportive légère dotée d’un nouveau moteur 4 cylindres à injection, la TT600, seule représentante non japonnaise dans cette catégorie qui innonde le marché européen.

→ Un Triumph TT600 de 2000

La deuxième moto est la fameuse Bonneville, avec un bicylindre parallèle de 790cc, qui allait rendre un bel hommage à son ancêtre, la T120, et rencontrer un beau succès commercial, en particulier sous sa déclinaison Bonneville America outre-atlantique.

→ Un Triumph Bonneville de 2002 coloris Sky Blue / Silver

Définitivement relancée sur le marché moto mondial, Triumph est de nouveau victime d’un coup du sort : le 15 mars 2002 un violent incendie détruit entièrement les stocks, la zone de moulage par injection, et les lignes de montage des châssis et d’assemblage final, tandis que le reste de l’usine d’Hinkley était fortement endommagé par la fumée.

→ Un des plus gros incendie industriel de l’histoire anglaise

En six mois seulement une nouvelle usine est opérationnelle, d’où sortitont encore de nombreuses nouveautés : une Daytona 600 supersport et bien sûr l’imposante Rocket III, première moto de série à passer la barre des 2000cc.

→ Une Triumph RocketIII 2005 coloris Graphite

Aujourd’hui la marque Triumph se porte bien, se démarque comme toujours de la concurrence par ses innovations et son style si particulier, et voit régulièrement ses parts de marché augmenter. Espérons que tout ceci ne soit que le début de l’histoire…

A suivre.